On connaît la blague de la sardine qui a bouché le port de Marseille. Mais une autre histoire, vraie celle-là, nous vient d'un autre grand port européen : Saint-Pétersbourg, ex-capitale de l'empire russe. [1] L'histoire est celle d'un petit poisson, la koryuschka, (Osmenus eperlanus [2]; КОРЮШКА, en russe) bref, l'éperlan, qui en est le héros.
À Saint-Pétersbourg, ce ne sont pas les hirondelles ou les cygnes, mais une odeur de concombre frais flottant dans l'air qui annonce l'arrivée du printemps. Cette senteur, c'est celle de l'éperlan, un petit poisson odoriférant qui est bien plus qu'une simple spécialité culinaire locale. Il semble qu'il joua un rôle décisif dans la fondation de la ville au 18e siècle et que, plus près de nous, il contribua à sauver ses habitants de la famine pendant le siège de la ville (du 8 septembre 1941 au 27 janvier 1944), l'un des plus longs (872 jours) et des plus meurtriers (1,8 million de victimes) de toute l'histoire.
Ces éperlans vivent la plupart du temps en mer, au large de Saint-Pétersbourg. Lorsque les eaux se réchauffent, ils s'attroupent à l'embouchure de la Néva, le fleuve qui arrose la ville. Comme la koryuschka n'est pêchée que la nuit et de la mi-avril à la mi-mai, les gens du cru et les touristes ne disposent que d'un mois pour s'en régaler !
Selon une légende locale, l'éperlan a compté dans la décision prise en 1703 par l'empereur Pierre le Grand d'installer sa capitale à cet endroit. Il aurait estimé que la présence de ces bancs d'éperlans à proximité de la ville éviterait à ses habitants de mourir de faim. Le terrible siège de la ville pendant la Seconde guerre mondiale devait lui donner raison.
Mais, revenons à ces deux faits historiques. En implantant sa nouvelle capitale sur les bords du golfe de Finlande, Pierre 1er de Russie, Pierre le Grand, veut « ouvrir une fenêtre sur l'Europe ». Il est animé d'une volonté farouche de moderniser son pays et d'en faire une grande nation commerçante et maritime. Il jette son dévolu sur le pire endroit qui soit pour y bâtir une ville : une zone marécageuse et désolée qu'il va falloir drainer et assécher, et où l'on devra enfoncer des dizaines de milliers de pilots pour y édifier de somptueux bâtiments, en amenant des pierres de partout. Mais, l'endroit est stratégiquement bien placé. Il se trouve à l'embouchure d'un fleuve, la Néva, qui communique avec l'immense lac Ladoga. En outre, 101 îles protègent la ville du grand rival et adversaire suédois vis-à-vis duquel Pierre entend imposer la présence russe. Du reste, c'est sur l'Île aux Lièvres qu'il installe la forteresse Pierre-et-Paul, et sur une autre île que l'on aménagera plus tard le port militaire de Kronstadt, arsenal de la marine russe. Il se peut que Pierre ait songé à la ressource halieutique que constituent les éperlans, mais cela n'a certainement pas été la principale préoccupation du grand souverain.
Batteries de défense aérienne tirant à proximité de la cathédrale Saint-Isaac, siège de Léningrad, 1941.
Lorsqu'il déclare la guerre à l'Union soviétique, le 21 juin 1941, Hitler entend venir à bout de son adversaire en l'affamant et, fidèle en cela aux idées de Jomini [3], en s'emparant des grandes villes, surtout de celles qui furent successivement les capitales du pays : Kiev, Moscou et Léningrad. Il réussit à s'emparer du grenier à blé ukrainien et de la ville de Kiev, mais il échoue devant Moscou et Léningrad. La campagne avait pourtant bien débuté. Les forces d'invasion progressent rapidement vers Moscou et Léningrad. [4] Comme les Finlandais ont repris les armes au côté des Allemands, la ville de Léningrad est vite encerclée (18 septembre 1941). Avant cela, on a évacué des femmes et des enfants ainsi qu'un grand nombre d'œuvres d'art, pour les mettre en sécurité à l'arrière. On pose une voie ferrée sur la glace du lac Ladoga pour maintenir un cordon ombilical avec le reste du pays. Lorsqu'il n'est plus possible de recevoir par ce moyen des vivres et des munitions, les seuls approvisionnements viennent par la voie aérienne. La situation alimentaire de la ville devient vite catastrophique. On meurt de faim et de froid. Pourtant, Hitler a méconnu l'extraordinaire capacité du peuple russe d'endurer et de résister. Les usines tournent à plein régime, les bibliothèques et les théâtres font salle comble. On enterre les morts, et aussi les statues, pour les protéger des bombes. Les défenseurs de la ville sont prioritaires dans la distribution du peu de ravitaillement disponible. On se dispute les épluchures de légumes, les animaux domestiques ont tous été mangés depuis longtemps. La mer reste la seule source de protéines et l'on pêche tout ce que l'on trouve. L'afflux des éperlans, au début du printemps est une véritable manne qui améliore l'ordinaire. Mais elle ne dure que pendant un mois et, si elle soulage un moment la pénurie, elle ne suffit certainement pas à sauver la population de la famine. Un million de civils mourront pendant le siège.
La légende est jolie, la réalité l'est un peu moins. De nos jours, la surpêche a considérablement réduit la ressource et l'éperlan a modifié son parcours migratoire. Mais, il en reste assez pour qu'après les rigueurs de l'hiver, les fritures de koryushka réjouissent les habitants de la « Palmyre du Nord » et c'est tant mieux !
D'après un article d'Irina Sedunova, paru dans BBC Travel, le 6 septembre 2019.
Jean Leclercq
[1] Saint-Pétersbourg a changé trois fois de nom au cours du XXe siècle. En août 1914, le sentiment anti-allemand est si vif qu'on russifie le toponyme en Pétrograd (la ville de Pierre), lui-même transformé en Léningrad, après la mort de Lénine, en 1924. Mais, après l'effondrement de l'Union soviétique et à la suite d'un référendum, la ville reprend le nom de Saint-Pétersbourg, en 1991. Mais, qu'importe, les Pétersbourgeois l'ont toujours familièrement appelée « Piter ».
[2] Osmerus (smelt, en anglais ; éperlan, en français) est un genre de poisson marin voisin du saumon, bien que plus petit. Il mesure de 7 à 15 cm. On distingue deux espèces : Osmerus mordax, ou éperlan arc-en-ciel, qui vit en Amérique du Nord ; et Osmerus eperlanus ou éperlan d'Europe. Les uns et les autres vivent en mer, mais remontent les cours d'eau pour frayer. C 'est notamment le cas de l'éperlan de la Baltique qui, au printemps, s'engage dans l'embouchure de la Néva, pour la plus grande joie des habitants de Saint-Pétersbourg.
[3] Antoine Henri, baron de Jomini (1779-1869) est un historien et un stratège suisse. Autodidacte, il est découvert, en 1803, par le maréchal Ney qui l'attache à son état-major et l'aide à publier ses travaux. On lui doit notamment un Précis de l'art de la guerre dans lequel il insiste sur la nécessité de prendre des villes et d'occuper le plus de territoire ennemi possible. Dans toute l'Europe, on l'a considéré comme le maître de la stratégie, au même titre que son contemporain, Carl von Clausewitz.
[4] On a demandé à Napoléon pour quelle raison, après avoir franchi le Niémen près de Kaunas, il n'avait pas marché sur Saint-Pétersbourg, plutôt que sur Moscou. L'Empereur aurait répondu : « Je ne voulais pas viser la tête, mais atteindre le cœur ! ».
Nous souhaitons la bienvenue à notre collaboratrice américaine,Donna Scott. Donna et son mari habitent Los Angeles (Californie) où elle écrit des nouvelles et des essais. Son intérêt pour la France et sa langue naquit lorsqu'elle commença à étudier le français dans le système scolaire new yorkais, à l'âge de 13 ans. Toutefois, elle ne put jamais concrétiser son rêve d'aller vivre et étudier en France. Au fil des ans, elle a passé des vacances en France, toujours soucieuse de s'imprégner d'une diversité culturelle en constante évolution, mais demeurant partout fière de son passé. Chaque année le couple loue un appartement à Paris pendant un mois, explorant avidement les réalités culinaires, artistiques et sociétales de la ville.
Dans le passé Donna a rédigé pour notre blog associé, Le mot juste en anglais, des analyses de livres écrits en anglais, comme "The Life before Us (Madame Rosa)" de Romain Gary et "An Officer and a Spy" de Richard Harris, – sur l’affaire Dreyfus. Cette fois-ci Donna a bien voulu analyser deux films diffusés àLos Angeles au même temps - The Wife et Colette -, ayant un thème commun.
Nous sommes également heureux de recevoir, une fois encore, l'aide précieuse de notre collaboratrice fidèle, Michèle Druon, qui a bien voulu traduire la recension redigée par Donna Scott. Michèle est professeur émérite à la California State University, Fullerton, où elle a enseigné la langue, la culture et la littérature françaises. Mme Druon a fait ses études universitaires d'anglais (spécialisation : Littérature & Culture Américaine, Licence) à l'Université d'Amiens, et en Lettres modernes, (Licence, mention très bien), à l'université d'Aix-en-Provence. Elle a obtenu son Doctorat en Littérature française à l'University of California at Los Angeles (spécialisations: le Nouveau roman; Théorie et critique littéraire contemporaine; philosophies post-modernes).
Michèle a publié des articles en français et en anglais dans de nombreuses revues littéraires universitaires et philosophiques (French Review, Stanford French Review, L'Esprit Créateur, Problems in Contemporary Philosophy), ainsi que dans des livres publiés aux États-Unis, en France et au Japon.
Michèle a aimablement trouvé le temps, parmi ces multiples activites litteraires, de traduire l'analyse qui suit.
RECENSION
Les deux mots : « épouse dévouée » sont depuis longtemps un cliché culturel, et sont devenus indissociables l’un de l’autre. L’art peut constituer un outil utile pour élucider cette expression qui reflète un contexte culturel spécifique au moment de son émergence. Traditionnellement, le rôle d’épouse dévouée consiste à être maitresse de maison, ce qui permet au mari de se livrer librement aux quelconques affaires qui sont censées être l’affaire de l’homme dans le monde. La tradition considère qu’une femme qui crée un contexte domestique harmonieux afin que son mari puisse s’épanouir est le sommet de la perfection pour une épouse et l’aboutissement de son rôle dans un heureux mariage.
Deux films récemment sortis: Colette (inspiré par la célèbre écrivaine française Sidonie-Gabrielle Colette) et The Wife (basé sur le roman du même titre de Meg Wolitzer (2003)) traitent d’un sujet analogue, tout à fait dans l’air du temps : des femmes mariées à des écrivains renommés se révèlent posséder plus de talent littéraire que leur rustre, égoïste et narcissique époux : Henry Gauthier-Villars, ou Willy de son nom-de-plume dans le cas de Colette, et Joe Castleman dans le cas de Joan Castleman. Crucialement les deux films, comme le roman, portent sur le même contrat secret entre mari et femme : chacune des deux femmes présentées dans Colette et The Wife ont écrit des livres à succès publiés sous le nom de leur mari. Ce contrat, qui d’abord cimente leur union, finira par la pourrir et la mener à la ruine. Les deux films, comme le livre, partent du point de vue des épouses, et éclairent leur décision initiale d’être complices de la tromperie littéraire de leur mari - jusqu’à ce que cela leur devienne impossible.
Le film, Colette, chronique du mariage de celle-ci avec Willy, est d’abord un plaisir visuel par la splendeur de ses décors et costumes de la Belle Époque. Keira Knightley déploie juste le bon mélange d’innocence et d’impétuosité pour que son parcours et son mûrissement, en si peu de temps, soient crédibles. Colette n’avait que 20 ans lorsqu’elle s’est mariée avec Willy, qui en avait 34, et il se sont séparés juste 13 ans plus tard. Le mariage change peu les choses pour Willy : il continue d’avoir des liaisons, continue d’aboyer ses idées à une série de prête-plume qui produisent histoires et articles publiés sous son nom. Son accommodement au mariage consiste à se faire accompagner de Colette dans les salons d’écrivains, artistes et intellectuels qu’il adore fréquenter, et d’encourager sa femme à faire partie de son écurie d’écrivains. Quand elle commence à s’éprendre d’une série de femmes avec qui elle a des liaisons, Willy déclare son approbation parce qu’il juge inoffensifs ces badinages avec le même sexe, et parce qu’ils représentent un merveilleux matériau pour les livres qu’il l’encourage à écrire.
Le film, comme les romans de Claudine qui vont suivre, est essentiellement l’histoire d’un apprentissage. Telle l’un des prête-plume de Willy, Colette est amenée à produire en série des romans dont tout le crédit est accordé à son mari. Pour vaincre sa réticence initiale à écrire, Willy l’enferme dans sa chambre dans une maison de campagne qu’il a achetée pour lui faire plaisir et l’éloigner des distractions de Paris. Les quelques courtes scènes où nous voyons Colette dans l’acte d‘écrire et l’entendons en voix off nous font mieux comprendre pourquoi ses histoires sont devenues un tel phénomène. Nous suivons le parcours de Colette tandis qu’elle se transforme en vraie libertine en prenant des amants des deux sexes, jusqu’au moment où elle quitte finalement son mari égoïste et volage après qu’il lui eut refusé de partager publiquement le crédit de ses œuvres. Dominic West, dans le rôle de Willy, incarne parfaitement le personnage charmeur et plus grand que nature qui avait d’abord attiré Colette, aussi bien que ce qui la répugne ultimement. Et le prix à payer pour un comportement féminin si peu traditionnel ? Un grand succès pour Colette et la consécration publique de son vivant. Le personnage complexe recréé par Keira Knightley nous donne envie de suivre plus longuement le cheminement de la femme extraordinaire qu’était Colette.
Le film de Jane Anderson, The Wife, condense considérablement notre découverte de Joan Castleman en omettant son rôle dan,s la production des romans de son mari, jusqu’au moment où le secret en est pleinement révélé dans une scène hautement dramatique où l’altercation verbale entre Joan et Joe atteint des sommets dignes de George et Martha dans Qui a peur de Virginia Woolf. Les spectateurs les plus avisés auront probablement percé ce secret bien avant cette scène.
Comme dans le livre de Wolitzer, le film nous fait d’abord découvrir Joan au moment où elle a déjà accumulé 40 ans de désillusions, de rage et de ressentiment, et nous révèle très peu du personnage avant cela. Glenn Close rend brillamment le personnage à travers son visage et son corps, appuyée par des close-ups claustrophobiques qui permettent de mieux observer chaque tressaillement facial, chaque serrement de lèvres ou plissement des yeux. [1] Hormis quelques courtes scènes qui nous présentent Joan et Joe plus jeunes, le film se passe essentiellement après des décades de compromis et d’accommodements. La version filmée nous montre que cette situation avait débuté pour Joan comme un moyen de faire réussir son mari, aspirant romancier fragile et peu doué : meilleure écrivaine que lui, elle s’était offerte à « arranger » son misérable manuscrit.
Le livre qui en résulte connait un énorme succès, et c’est ainsi que commence le marché qui les amènera des décades plus tard à Stockholm, en Suède, pour l’acceptation du prix Nobel de littérature par Joe. Joan a mis ainsi son propre talent à l’écart, précocement découragée par une écrivaine lessivée qui l’avait assurée de l’impossibilité pour une femme d’appartenir au club exclusivement masculin des écrivains publiés. Pour la plupart du reste du film, nous voyons Joan, femme parfaitement dévouée à son génie de mari, prendre soin de chaque petit détail de son confort et bien-être. Son rôle consiste à abandonner sa propre carrière et à consacrer ses efforts à la construction de l’icône littéraire que son mari aspire à devenir
La plupart du film se passe dans le présent, à Stockholm, pour la cérémonie de remise du Prix Nobel de Joe. Le Nobel signifie pour Joan le pinacle dévastateur du manque de reconnaissance dont elle est victime, ce qui scelle le sort de son mariage. Elle ne peut plus porter le poids de son « grand bébé », comme elle l’appelle. Le personnage de Joe, joué par Jonathan Price, cumule les comportements exaspérants, scène après scène, durant leur court séjour à Stockholm, ce qui illustre le fardeau supporté par Joan 40 années durant. Et comme le film ne nous révèle pas en quoi Joe a pu l’attirer lors de leurs premières années ensemble, le comportement de celui-ci finit par nous épuiser autant qu’elle finit par l’être quand elle déclare son indépendance à la fin du film. Son refus dans le film d’être perçue comme victime ne correspond pas à ma propre impression. Un autre procédé dramatique qui n’a pas marché pour moi est le personnage du fils, mis en avant-plan dans le film dans une intrigue surdéveloppée qui rappelle l’histoire-cliché du fils ignoré et inapprécié qui cherche en vain l’approbation d’un père célèbre.
Même en fonction des standards actuels, Colette sort du lot. On n’avait pas trompé Joan Castleman sur la difficulté de poursuivre une carrière littéraire dans les années 50. Il y a très peu d’icônes féminines en littérature, fait regrettable qui a un peu changé mais qui est encore apparent dans la répartition des prix Nobels en littérature depuis leur création originelle; des 114 lauréats du prix Nobel en littérature, seuls 14 ont été accordés à des femmes. Le Prix Pulitzer révèle des statistiques encore plus frappantes: entre les années 2000 et 2015, la majorité des lauréats étaient des auteurs masculins qui écrivaient sur des personnages masculins. Aucun des 15 livres qui ont gagné le prix n’a été écrit entièrement par le point de vue d’une femme ou d’une fille. Le Prix Goncourt, le plus prestigieux des prix littéraires français, établi 2 ans après le Nobel, a été accordé aux hommes 89% du temps, et n’a récompensé sa première écrivaine qu’en 1944.
[1] Le 7 janvier 2019 Glen Close a remporté le prix Golden Globes decerné à la meilleure comédienne de l’année 2018 pour son rôle dans « The Wife ».
Nous sommes heureux d'ouvrir. une fois encore, nos colonnes à notre collaboratrice fidèle, Michèle Druon, professeur émérite à la California State University, Fullerton, où elle a enseigné la langue, la culture et la littérature françaises. Mme Druon a fait ses études universitaires d'anglais (spécialisation : Littérature & Culture Américaine, Licence) à l'Université d'Amiens, et en Lettres modernes, (Licence, mention très bien), à l'Université d'Aix-en-Provence. Elle a obtenu son Doctorat en Littérature française à l'University of California at Los Angeles (spécialisations: le Nouveau roman; Théorie et critique littéraire contemporaine; philosophies post-modernes).
Michèle a publié des articles en français et en anglais dans de nombreuses revues littéraires universitaires et philosophiques (French Review, Stanford French Review, L'Esprit Créateur, Problems in Contemporary Philosophy), ainsi que dans des livres publiés aux États-Unis, en France et au Japon.
Avec le centenaire de la Première Guerre Mondiale, on commémore aussi cette année le centenaire de l’arrivée du jazz en France, comme en témoignent diverses manifestations en Amérique et en Europe, telles la rétrospective intitulée « Jazz en route to France: 1917-1918» actuellement présentée au New Orléans Jazz Museum (Cette exposition est rapportée dans le journal France-Amérique [1]). En France, un ensemble d’activités ont été organisées à Nantes - dont le « Concert du Siècle » présenté le 12 février au théâtre Graslin - pour honorer le premier concert de jazz donné par une fanfare militaire afro-américaine sur le sol européen.
Comme l’illustrent ces diverses manifestations, l’émergence du jazz en France est liée à l’histoire de l’intervention militaire américaine en Europe pendant la Grande Guerre. Quelques mois après leur déclaration de guerre à l’Allemagne le 6 avril 1917, les Etats-Unis envoient des contingents militaires en Europe, dont quatre sont exclusivement composés de soldats afro-américains. Le plus célèbre d’entre eux, et le premier à débarquer en France, fin décembre 1917, est le 369ème régiment d’infanterie, issu du 15ème régiment de la Garde Nationale de New York. Vite envoyé au front, ce régiment s’illustre par une telle bravoure qu’il sera bientôt surnommé les Harlem Hellfighters[2].
Les Harlem Hellfighters étaient accompagnés d’une fanfare d’une soixantaine de musiciens afro-américains de renom, recrutés par James Reese Europe (ou Jim Europe), l’un des premiers officiers noirs de l’armée américaine. Né en Alabama en 1880, Jim Europe était aussi un musicien de grand talent, star du « ragtime » et du « fox-trot » à New York, et chef de file d’un groupe de musiciens, le Clef Club, qui avait eu l’honneur de présenter le premier concert de musique afro-américaine (« Concert of Negro Music ») au Carnegie Hall en 1912.
Comme les autres fanfares militaires alors déployées en France, l’orchestre de Jim Europe avait pour mission de distraire et de soutenir le moral des troupes en jouant dans différentes villes de province pour les soldats britanniques et américains ainsi que pour les civils français. A son arrivée à Saint-Nazaire, le 1er janvier 1918, l’orchestre de Jim Europe inaugure cette mission par un petit concert improvisé où « La Marseillaise » apparait dans une version « jazzy » et syncopée qui n’est pas sans créer quelque ébahissement parmi le public militaire français.
Quelques semaines plus tard à Nantes, le 12 février 1918, le premier concert officiel de la fanfare des Harlem Hellfighters - qui est aussi l’un des premiers concerts de jazz en salle présentés en Europe - soulève cette fois l’enthousiasme du public : le programme inclut des marches militaires françaises, des « negro spirituals », « The Stars and Stripes Forever », quelques morceaux de « ragtime », et l’apothéose: le « Memphis Blues », de W.C Handy, qui déchaîne la salle. Ce concert historique est considéré par beaucoup comme le véritable point d’éclosion du jazz en France.
Pourtant, la musique alors jouée par la fanfare des Harlem Hellfighters n’a encore que peu de rapport avec ce qu’on appelle aujourd’hui le jazz. Bien qu’il inclue certains éléments du jazz moderne, (le rythme syncopé, les « glissandos », les « riffs » des instruments…), ce ragtime orchestré pour les marches militaires en diffère essentiellement par le fait qu’il ne permettait aucune improvisation de la part des musiciens.
De plus, comme le souligne le pianiste, chef d'orchestre et professeur Laurent Cugny dans le premier tome de sa magistrale Une histoire du jazz en France [3], le concept de « jazz » est encore à l’époque est un objet « fuyant » et indéfini, dont il est d’autant plus difficile de dater précisément la naissance en France.
Ainsi, bien avant la Première Guerre mondiale, les Français connaissaient déjà plusieurs aspects de la culture musicale afro-américaine, tels les « minstrel shows » et leur « cake-walk », dont John Philip Sousa jouera quelques morceaux avec le US Marine Band lors de l’Exposition Universelle de 1900 à Paris. Un peu plus tard, le ragtime déjà rendu célèbre par Scott Joplin avec « Maple Leaf Rag » (1899) captive l’attention de plusieurs musiciens français, et gagne ses lettres de noblesse avec les compositions d’Erik Satie, dont le ballet Parade en 1917-18, et Ragtime (1918) de Igor Stravinski.
Mais les controverses qui entourent le point exact de la naissance du jazz en France ne diminuent pas la portée symbolique et culturelle du concert donné à Nantes en février 1918 par l’orchestre de Jim Europe. Comme le souligne Mathieu Jouan, Commissaire Général de la rétrospective « 100 ans de Jazz » organisée à Nantes: «Europe a posé les premières pierres d’une conscience artistique africaine-américaine et d’un statut professionnel pour les musiciens» [4].
Dans les mois qui suivront ce concert historique, les tournées de la fanfare Harlem Hellfighters comme celles des autres fanfares afro-américaines alors déployées en France, vont continuer de répandre le « germe » du jazz dans les villes de province où elles se produisent. Partout où les soldats américains sont stationnés dans le reste de la France, dans les ports et entrepôts comme Saint Nazaire, Bordeaux, Marseille, vont alors fleurir de petits groupes de jazz amateur qui vont contribuer à répandre en France le goût de cette musique nouvelle, ce ragtime dont le rythme effréné s’accorde si bien avec la frénésie du monde moderne en train de naitre.
Cet engouement progressif ouvre la voie à l’explosion du jazz qui va marquer la décade suivante en France, celles des Années Folles, et aux grands musiciens de jazz, dont Sydney Bechett, qui vont alors faire de Paris une véritable capitale du jazz. C’est alors un autre style de jazz, le swing, (ou « hot jazz ») qui domine dans les clubs et cabarets de Paris et de province. Mais comme le rappellent les diverses commémorations données en son honneur, le ragtime de Jim Europe, souvent oublié aujourd’hui, est l’une des portes qui a permis le débarquement du jazz en France.
Afro-americains au combat
Musiciens pendant la première guerre mondiale
Notes :
1) Voir France-Amérique, « Les coulisses du jazz en France », article de Clément Thiery, 21 juin 2018, dont le présent article s’inspire en partie. L’exposition « Jazz en route to France » a lieu du 21 juin au 15 novembre 2018.
2) Le 369ème régiment a reçu la Croix de guerre et 171 de ses hommes ont été décorés de la croix de Chevalier de la Légion d’Honneur pour avoir libéré le village de Séchault, dans les Ardennes, en septembre 1918, où un monument leur est dédié.
3) Voir Laurent Cugny, Une histoire du Jazz en France : du milieu du XIXème siècle à 1929. (Premier Tome), Editions Outre mesure, Paris 2014.
4) La rétrospective « 100 ans de jazz », qui incluait « Le Concert du Siècle », une exposition (« La guerre du jazz »), et une journée d’études (« Quand soudain le jazz »), a été organisée à Nantes avec le concours de la Mission du Centenaire de la Première Guerre Mondiale et le National Museum for Afro-American History and Culture de Washington, DC. .
Parmi les autres articles contribués par Michèle Druon :
chassé-croisé intercontinental pendant l’âge d’or du jazz.
Nous sommes heureux d'ouvrir. une fois encore, nos colonnes à notre collaboratrice fidèle, Michèle Druon, professeur émérite à la California State University, Fullerton, où elle a enseigné la langue, la culture et la littérature françaises. Mme Druon a fait ses études universitaires d'anglais (spécialisation : Littérature & Culture Américaine, Licence) à l'Université d'Amiens, et en Lettres modernes, (Licence, mention très bien), à l'Université d'Aix-en-Provence. Elle a obtenu son Doctorat en Littérature française à l'University of California at Los Angeles (spécialisations: le Nouveau roman; Théorie et critique littéraire contemporaine; philosophies post-modernes).
Michèle a publié des articles en français et en anglais dans de nombreuses revues littéraires universitaires et philosophiques (French Review, Stanford French Review, L'Esprit Créateur, Problems in Contemporary Philosophy), ainsi que dans des livres publiés aux États-Unis, en France et au Japon.
Pendant l’entre-deux guerres (1920-1940), de chaque côté de l’Atlantique, deux géants du jazz, George Gershwin et DjangoReinhardt, atteignent fortune et célébrité.
Django Reinhardt (1910-1953)
George Gershwin (1898-1937)
0
Au premier regard, tout sépare ces deux artistes : le pays, la langue, la culture d’origine, l’instrument pratiqué et la tradition musicale qui les a formés. Le premier, Juif anglophone de Brooklyn, a commencé à apprendre le piano classique vers l’âge de 12 ans, tandis que le second, manouche francophone, né dans une roulotte en Belgique, a fait son apprentissage «sauvage» de la musique en imitant les musiciens tziganes qui jouent du violon, du banjo, de l guitare, autour de lui. L’un et l’autre diffèrent aussi profondément par leur personnalité : Gershwin est un musicien discipliné, brillant, à l’aise en société, séducteur et grand amateur de femmes, tandis que Reinhardt, plus secret et plus nonchalant, dépensier et désinvolte, toujours farouchement libre, se laisse souvent guider par sa fantaisie.
Pourtant, les parallèles abondent entre ces deux virtuoses qui ont chacun profondément marqué l’histoire du jazz. Tous deux y ont ouvert de nouvelles directions en les fusionnant avec d’autres traditions musicales: dans le cas de Gershwin les chansons de Broadway, la musique klezmer (1), la musique afro-américaine, et la musique classique, créateur du jazz symphonique avec Rhapsodie in Blue (1924); dans le cas de Reinhardt la chanson de variété, le bal musette, le swing et la musique tzigane, créateur du «jazz-manouche» (ou «gipsy-jazz»).
Tous deux ont aussi atteint un immense public en combinant dans leur répertoire une haute sophistication musicale à des rythmes et mélodies populaires qui font aujourd’hui partie des standards du jazz international; telles, pour Gershwin, les chansons écrites avec Ira, son frère parolier, comme: "Oh, LadyBeGood!" (1924), “Embraceable You” (1930), “I got rhythm” (1931), ou l’inoubliable «Summertime”, tiré du “folk opera” Porgy and Bess (1935). Telles, pour Django: «Minor Swing» (1937), "Djangology" (1938), "Swing '42", qui ont fait danser et rêver toute une époque, et «Nuages» (1940), peut-être son morceau le plus connu, associé à l’espoir de la libération pendant l’Occupation allemande en France (2).
La légende qui entoure ces deux figures mythiques du jazz ne s’arrête pas à leur seul génie musical. Comme en témoignent les nombreuses biographies, documentaires et fictions cinématographiques qui leur ont été consacrées (3), - dont le récent Django, de Etienne Comar (4) -, c’est aussi la personnalité hors du commun de ces deux musiciens , et leur destinée météorique, brillante et tragiquement écourtée, qui a fait de chacun d’eux des figures-cultes des deux côtés de l’Atlantique, et des héros populaires dont l’histoire, sur les deux continents, continue d’être racontée.
Cette histoire commence pour chacun des deux artistes par d’humbles origines, qui rendent d’autant plus admirable leur succès ultérieur.
Reinhardt et Gershwin ont connu des enfances pauvres et itinérantes, l’un dans la roulotte de ses parents, l’autre à travers les nombreux déménagements de sa famille dans différents quartiers de New York. L’un et l’autre sont des gamins des rues : Django joue librement avec ses nombreux frères, sœurs et cousins dans et autour des campements manouches, et ne va pas à l’école (il n’apprendra à lire et à écrire qu’assez tard dans sa vie adulte) ; tandis que George, qui n’aime guère l’étude, multiplie les escapades avec ses frères et sœurs et leurs amis dans les quartiers du voisinage.
Leur découverte précoce de la musique n’est pas séparable de ces vagabondages, qui les expose aux musiques populaires de leur temps, et qui se prolonge avec les premiers métiers que l’un et l’autre pratiqueront pendant l’adolescence: Gershwin commence à travailler à l’âge de 15 ans comme «song plugger» (interprète et vendeur de chansons) à Tin Pan Alley –ce qui le familiarise avec tout le répertoire de Broadway; Django, quant à lui, vers l’âge de 13 ans, commence à jouer du banjo-guitare dans la rue ainsi que dans les demeures des gens aisés, puis dans les cabarets et bals-musette où il accompagnait avec son père les chanteurs de variété.
Si ces premières expériences révèlent chez l’un et l’autre un talent musical précoce, elles marquent aussi chez tous deux des qualités de courage, de persistance et de détermination qui ajoutent au prestige populaire de leur personnage.
Ce courage est testé de manière particulièrement rude par l’accident qui affecte Django à l’âge de 18 ans, et qui va redéfinir toute sa carrière.
En 1928, alors qu’il vient de sortir son premier disque (5), un incendie dans sa roulotte le brûle gravement à la jambe droite et à la main gauche, lui ôtant l’usage de deux doigts. Après de longs traitements et des mois de travail acharné, Django recommence néanmoins à jouer de la guitare avec une technique nouvelle qui lui permet de compenser la perte de ses deux doigts: cette technique, celle du «fingerpicking», avec laquelle il garde étonnamment toute la vélocité de son jeu, définit un nouveau style, avec lequel il sera désormais associé.
C’est vers cette même époque qu’il découvre, ébloui, le jazz américain. Il écoute Louis Armstrong et Duke Ellington, et il commence à fréquenter les jazzmen qui séjournent alors à Paris. Mais Gershwin, qui pourtant vient de passer l’année 1928 en Europe, est reparti aux Etats- Unis.
Ce rendez-vous manqué entre les deux artistes caractérise l’étonnant chassé-croisé de leur parcours musical entre l’Amérique et l’Europe pendant toute cette période. Tous deux cherchent à mieux découvrir les musiciens qui les ont inspirés sur l’autre continent en les rencontrant - et avec un décalage de 20 ans entre Gershwin et Reinhardt- en traversant l’Atlantique.
Ainsi Gershwin, plusieurs fois invité et fêté en Europe dans les années vingt, cherche à y rencontrer les grands compositeurs contemporains qu’il admire, dont Igor Stravinski, Darius Milhaud, Arnold Schonberg et Alan Berg. En France, il rencontre aussi Nadia Boulanger et Maurice Ravel, avec qui il voudrait étudier la composition, mais ceux-ci déclinent sa requête, et lui conseillent de rester plutôt dans le style musical original qu’il a créé. Gershwin met cette leçon à profit en composant le poème symphonique An American in Paris,une de ses œuvres les plus réputées, dont la première eut lieu à Carnegie Hall à New York en décembre 1928.
Pendant ce temps, la réputation musicale de Django Reinhardt s’étend à Paris, et en 1934, il forme avec le violoniste Stéphane Grappelli le fameux Quintette du Hot Club de France, qui deviendra le premier grand orchestre de jazz européen. Il y enregistre de nombreux standards du jazz américain, dont les compositions de Gershwin – en 1934: «Oh, Lady Be Good», «Embraceable You», « Somebody loves me» ; en 1939: «The Man I Love» ; et plus tard, en 1949 : «Lisa» et «I got rhythm».
Attirés par la réputation du Quintette, plusieurs grands jazzmen de passage, dont Coleman Hawkins, Benny Carter et Rex Stewart, viennent jouer au Hot Club de France. Django aurait sûrement aimé rencontrer Gershwin à cette époque, mais celui-ci est parti en 1936 à Hollywood pour y composer des partitions cinématographiques. C’est là que Gershwin meurt l’année suivante, à l’âge de 38 ans, d’une tumeur cérébrale.
La période qui suivra, qui marque le début de la Deuxième Guerre Mondiale, fut une époque difficile pour beaucoup d’artistes européens. Comme les juifs, les tziganes sont alors persécutés et exterminés par les nazis à travers l’Europe. Le jazz lui-même est déconsidéré par les nazis qui l’associent à une musique décadente. Django quitte donc Paris en 1943 pour tenter de se réfugier en Suisse (épisode que raconte imparfaitement le film Django). Mais il est arrêté par des gardes-frontières suisses, et renvoyé à Paris. Il passe le reste de l‘occupation (6) à composer et à jouer dans différents orchestres (7), tandis que sa popularité gagne maintenant toute la France et l’Europe.
Grâce à ses contacts avec les jazzmen américains qu’il a rencontrés à Paris, et aux soldats américains qui sont venus l’écouter à la Libération, Django est aussi devenu célèbre en Amérique.
Ainsi en 1946, dans un parcours inverse à celui de Gershwin quelque vingt ans plus tôt, Django est invité par son idole, Duke Ellington, à jouer en tournée avec lui aux Etats-Unis. Django aspire depuis longtemps à visiter ce pays, et à y rencontrer les grands musiciensCharlie Parker, Dizzy Gillespie et Thelonious Monk. Mais ces rencontres n’auront pas lieu, et Django, qui ne parle pas anglais, et qui est habitué à sa liberté de nomade, s’adapte difficilement à la discipline du Big Band de Ellington. De plus, il est déçu par le rôle relativement mineur qu’Ellington lui accorde dans l’orchestre, et il rentre en France un peu déçu, désillusionné de son rêve américain (8).
Les années qui suivent vont néanmoins marquer pour lui un véritable renouveau. Toujours à l’avant-garde du jazz, il intègre alors dans son inspiration musicale le style «be-bop» initié par Charlie Parkeret Dizzy Gillespie aux Etats-Unis. Il enregistre ainsi en 1951 huit morceaux exceptionnels, qui auront une influence majeure sur les guitaristes du monde entier. Ce sera son dernier disque, car Django meurt brutalement un mois plus tard d’une hémorragie cérébrale, tout comme Gershwin, à l’âge de 43 ans.
La disparition prématurée de Django, comme celle de Gershwin en 1937, signe d’une note tragique la destinée fulgurante de ces deux grands artistes qui ont chacun marqué d’une empreinte profonde la culture musicale de deux continents.
Django s’est nourri du jazz américain et de la musique de Gershwin, comme celui-ci, parmi ses multiples inspirations, s’était nourri de la musique européenne, dans un chassé-croisé intercontinental dont le jazz s’est merveilleusement enrichi.
Leur influence aujourd’hui est internationale, et la musique de Gershwin, comme celle de Reinhardt, est partout jouée en concert ou sur les scènes de théâtre, partout entendue dans les bandes sonores des films, partout célébrée dans les festivals. Elle inspire toujours de nouveaux musiciens, et elle continue d’enchanter notre paysage musical, tandis que s’enrichit en nous et autour de nous la légende des deux grands artistes qui en ont créé l’inépuisable magie.
Notes :
1) La musique klezmer, que Gershwin connaissait par sa famille, était une tradition musicale de chansons et danses importée des Juifs Ashkenazi d’Europe de l’Est. Elle était jouée pendant les mariages et autres célébrations.
2) De multiples versions de ces morceaux ont été enregistrés par Django Reinhardt au cours des années : «Nuages» compte au moins 13 versions. Sa traduction anglaise est: «It’s the Bluest Kind of Blues».
3) Voir en fin de notes une courte bibliographie et filmographie sur George Gershwin et Django Reinhardt.
4) Film Django, dirigé par Etienne Comar, présenté au Festival International du Cinéma de Berlin en 1917. Django est joué par l’acteur Reda Kateb; le film raconte sur un mode romanesque plutôt qu’historiquement précis la fuite de Django et sa famille en Suisse en 1943.
5) Django Reinhardt a enregistré son premier disque grâce à l’accordéoniste Jean Vaissad. Il n’y joue pas encore du jazz, mais des airs populaires au banjo-guitare.
6) Le talent et la popularité de Django semblent lui avoir valu une relative protection auprès des Allemands, malgré son origine tzigane, pendant cette période. Vers la fin de l’occupation, en hommage au génocide tzigane perpétré par les nazis, Django a écrit Requiem pour mes Frères Tziganes, dont la partition originelle a été perdue. Elle est reconstruite par Warren Ellis dans le récent Django de Etienne Colmar.
7) Au début de l’occupation allemande, comme Stéphane Grappelli était resté en Angleterre, Django a formé un nouveau quintette avec Hubert Rostaing et Pierre Fouad, qui a eu aussi énormément de succès.
8) Malgré cette déception, Django avait néanmoins reçu un accueil enthousiaste du public américain, comme en témoignent, entre autres, les énormes ovations reçues lors de son concert à Carnegie Hall a la fin de sa visite.
.
Bibliographie et filmographie (liste partielle)
Livres sur Django Reinhardt:
Django; The Life and Music of a Gipsy Legend, Michael Dregni, 2010; Django Reinhardtand the History of Gipsy jazz, Alain Antonietto, 2010.
Films et Documentaires filmés sur Django Reinhardt :
Django Reinhardt, Paul Paviot, 1958; Djangomania, de Jamie Kasner, 2005; Swing guitar, the genius of Django Reinhardt, 2006; Django Reinhardt, Three fingered lightning, 2010; The Life after Django, 2011.
Le film Sweet & Lowdown (1999), de Woody Allen ”, est partiellement basé sur Django Reinhardt.
Dans le film d’animation français Les Triplettes de Belleville (2003), la séquence d’introduction met aussi en scène Django à la guitare.
La musique de Django Reinhardt fait aussi partie de la bande sonore de films français et américains trop nombreux pour être cités ici.
Livres sur George Gershwin:
George Gershwin, His Journey to Greatness, David Ewen, 1986; George Gershwin, A New Biography, William G. Hyland, 2003; George Gershwin, His life and Work, Howard Pollack, 2007; George Gershwin An intimate portrait, Walter Kimler, 2015.
Films sur Gershwin :
Rhapsody in Blue, 1945
Adaptations filmées de compositions de Gershwin :
Shall we Dance, 1937, avec Ginger Rogers & Fred Astaire.
An American in Paris, 1951, dirigé par Vincent Minelli
Funny Face, 1957, dirigé par Stanley Donen
Porgy and Bess, 1959 , par Samuel Goldwyn
,
Parmi les autres articles contribués par Michèle Druon :