(du 23 septembre 2018 au 7 janvier 2017)
Dans le sillage de l'exposition La mode retrouvée : Les robes trésors de la comtesse Greffuhle qui s'est achevée le 20 mars dernier au Palais Galliera, Musée de la Mode de la ville de Paris [1], le Museum at FIT [2], New York, présente actuellement Proust's Muse, The Countess Greffuhle. En collaboration avec Olivier Saillard, le maître d'œuvre de l'exposition parisienne, Mme Valérie Steele, directrice et conservatrice du Museum at FIT, a transporté la manifestation à New York.
Appartenant à la haute aristocratie, Élisabeth Riquet de Caraman-Chimay, comtesse Greffuhle (1860-1952) tint un salon artistique et littéraire que fréquentèrent nombre de célébrités de l'époque. Surtout, elle fut l'arbitre des élégances féminines dans ce Paris fin de siècle qui brillait de tous ses feux. « La comtesse Greffuhle croyait à la dimension artistique de la mode, » déclare Valerie Steele. « Cliente des plus grands couturiers de son temps, son style demeurait pourtant bien personnel. Aujourd'hui, alors que l'on tient de plus en plus la mode pour une forme d'art, son attitude n'en revêt que plus d'intérêt. »
Mais, son influence s'étendit bien au-delà de la mode. Elle inspira des écrivains, notamment Marcel Proust et Robert de Montesquiou [3]. En 1893, dans une lettre du premier au second, Proust écrit : « Tout le mystère de sa beauté est dans l'éclat, dans l'énigme de ses yeux. Je n'ai jamais vu une femme aussi belle. » D'ailleurs, lorsqu'il écrira À la recherche du temps perdu, l'admirateur de la comtesse Greffuhle en fera l'immortelle Oriane, la duchesse de Guermantes, dont chacune des toilettes lui semblait être le reflet d'un état d'âme particulier.
L'exposition présente quelques-uns des plus beaux atours de la comtesse et notamment : la robe du soir de Worth, la cape que lui offrit l'empereur Nicolas II de Russie (retaillée par Worth), la veste de Mariano Fortuny et le manteau surréaliste de la maison Worth. L'une des robes les plus admirées est la somptueuse robe à traîne de velours noir, à motifs de fleurs de lys, signée Worth, dans laquelle Nadar [4] l'a photographiée de dos, devant un miroir, en 1896. Cette photo, Proust a vainement tenté de l'obtenir de sa muse. « Pour me la refuser jadis, vous aviez allégué une bien mauvais raison, à savoir que la photographie immobilise et arrête la beauté de la femme. Mais n'est-il pas précisément beau d'immobiliser, c'est-à-dire d'éterniser, un moment radieux » lui écrit-il dans une ultime requête, deux ans avant de mourir.
Reflet d'une époque à jamais révolue où le prêt-à-porter n'existait pas et où la haute couture était seule à satisfaire les goûts d'une seule personne, parfois pour une seule occasion. Ce qui explique sans doute l'excellent état de conservation de la collection. Époque aussi où l'on ne suivait pas la mode, mais où une petite élite fortunée la créait au gré des événements culturels du moment.
Countess Greffulhe's Stunning Wardrobe at New York's FIT (4:51 minutes)
[1] Palais Galliera, Musée de la Mode de la ville de Paris, 10, av. Pierre 1er de Serbie, 75016 Paris.
[2] FIT, initiales du Fashion Institute of Technology dont le musée se situe à l'angle de la 7e avenue et de la 27e rue, New York City 10001-5992.
[3] - Robert de Montesquiou-Fezensac (1855-1921). Littérateur et poète français tout autant qu'esthète accompli, il aurait inspiré à Huysmans le personnage de Des Esseintes et à Proust celui du baron de Charlu. Il était le cousin de la mère de la comtesse, née Marie de Montesquiou- Fezensac.
[4] Nadar (Félix Tournachon, dit). Journaliste, écrivain, photographe, aéronaute (1820 – 1910), il publia, sous le titre de Panthéon Nadar, une série de portraits des célébrités de son temps.
Lectures complémentaires :
La duchesse de Guermantes de Proust racontée par ses robes
leSoleil, le 7 novembre 2015
Laure Hillerin.
La comtesse Greffuhle :
l'ombre des Guermantes.
Paris, Flammarion, 2014.
Jean Leclercq