Voici une suite rédigée par Magdalena Chrusciel a son article précédent sur un thème semblable, (« Nos lectures - source d’espoirs et de rêves »). Revenue en Suisse et diplômée de l'E.T.I. de Genève, Magdalena maîtrise quatre langues : polonais, russe, français et anglais.
Dita Polachova avait grandi à Prague, dans une famille juive laïque, dans une maison regorgeant de livres en allemand, tchèque et français. En 1942, elle était déportée avec ses parents au ghetto de Terezin puis à Auschwitz-Birkenau. Âgée de 88 ans, elle vit aujourd’hui en Israël, à Netanya.
Dans le camp, sa mère et elle furent logées dans le camp BIIb , le « camp des familles », censé prétendre qu’Auschwitz n’était pas un camp d’extermination, alors même que le bloc des enfants, au numéro 31, fut supervisé par le lugubre dr Mengele. C’était sans compter avec Freddy Hirsch, un sioniste charismatique, qui réussit à alléger quelque peu la vie des petits prisonniers – ils n’avaient notamment pas à se tenir debout devant les blocs, deux fois par jour, quelque ne fût le temps. Dita connaissait Fredy, son instructeur de sports, depuis son enfance à Prague – il sauva des enfants notamment en leur assignant des tâches - c’est ainsi que Dita et un autre garçon devinrent bibliothécaires du bloc, chargés des quelques livres pris dans les bagages des arrivants.
Dita se souvient ainsi de La Brève histoire du monde de H.G. Wells. D’autres survivants mentionnent des noms d’auteurs - Freud, Karel Capel. Les éducateurs empruntaient les livres pour alphabétiser les plus jeunes enfants. Les enfants arrivant par transports n’étaient pas censés vivres plus de six mois de vie. Ainsi, Dita, arrivée en décembre, serait envoyée aux chambres à gaz en juin. En mars 1944, la mort soudaine de son mentor Fredy fut traumatisante pour les enfants. Ce dernier, appelé à diriger un soulèvement, mourut d’une overdose de somnifères, que des médecins juifs lui avaient donné, espérant ainsi le protéger. Quant au père de Dita, il mourut de faim à l’âge de 44 ans. Dita et sa mère furent envoyées, avec mille autres femmes, à Hambourg puis à Bergen-Belsen.
Libéreé par les troupes britanniques en 1945, elle avait attrapé le typhus. Sa mère mourut à fin juin, laissant Dita orpheline à seize ans. Aujourd’hui, elle explique sa survie essentiellement par sa grande chance. Peu de temps après son retour à Prague, elle y rencontrera son futur mari, Otto Kraus, qui fut au camp l’un des éducateurs au bloc des enfants. En 1949, le couple s’installa en Israël, où Otto et Dita deviendront professeurs d’anglais.
L’amour des livres était leur passion commune, Otto raconta d’ailleurs son expérience du bloc des enfants à Auschwitz dans l’un de ses livres, The Painted Wall. Parmi les auteurs préférés de Dita, citons Patrick White, Jonathan Franzen, Hardy et Thackeray.
Elle a figuré elle-même dans des livres : l’écrivain espagnol Antonio Iturbe en fit un portrait, dans La bibliothécaire d’Auschwitz, une version semi-fictive du vécu de Dita, récemment traduit en anglais.
The Librarian of Auschwitz by Antonio Iturbe, published by Henry Holt
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