« Un sondage lancé par l'agence The Reading Agency qui encourage les publics à toujours lire plus, notamment grâce à son programme Summer Reading Challenge, a permis de déterminer le personnage favori des Britanniques de la littérature jeunesse. La plupart des sondés ont répondu qu'ils affectionnaient… Winnie l'Ourson. Surprenant, surtout lorsque l'on connaît l'amour inconditionnel que les Britanniques portent à JK Rowling, l'auteure de la saga Harry Potter, dont les personnages ont pourtant accompagné des millions de lecteurs durant leur enfance – et après. »
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A.A. Milne, mort il y a 63 ans, était un écrivain et dramaturge britannique de renom dont les œuvres n'ont pas résisté à l'épreuve du temps. En revanche, ses livres de contes et de poèmes pour enfants ont enchanté des générations de jeunes lecteurs en Grande-Bretagne et dans tout l'Empire britannique.
Les quatre livres qui ont valu à Milne une renommée durable avaient pour héros Christopher Robin, un jeune garçon ainsi nommé d'après son fils, Christopher Robin Milne : Winnie-the-Pooh(Winnie le Pooh) (1926), The House at Pooh Corner (La Maison au coin de la rue de Pooh) (1928), When We Were Very Young (Lorsque nous étions très jeunes) (1924) and Now We Are Six (Maintenant nous avons six ans) (1927). Les personnages de ces livres incarnaient les animaux en peluche de son fils et notamment un ours lui-même inspiré d'un ours brun canadien du nom de Winnie, mascotte d'un régiment canadien de la Première guerre mondiale, confié à un zoo londonien pendant les hostilités [1]
E.H.Shepard illustra les ouvrages originaux, en prenant pour modèle l'ours en peluche de Christopher Robin Milne. Les autres jouets de l'enfant furent intégrés dans les histoires d'A.A. Milne, auxquels s'ajoutèrent deux autres personnages – Rabbit et Owl – sortis de l'imagination de Milne. Tous ces jouets se trouvent maintenant dans une vitrine new-yorkaise où 750.000 personnes vont les voir chaque année. Depuis 1966, Disney a sorti plusieurs films mettant en scène Winnie-the-Pooh et sa bande.
Val Shushkewich, l'auteure canadienne de « The Real Winnie: A One-of-a-Kind Bear », paru chez Natural Heritage, a aimablement accepté de nous donner un texte sur A.A. Milne et un autre sur Winnie-the Pooh. Son livre narre l'histoire de l'ours canadien qui a inspiré les histoires de Pooh, ainsi que celle de son proprietaire, un soldat canadien.
Paddington est un autre ours emblématique, héros de charmantes histoires pour enfants écrites par Michael Bond et illustrées par Peggy Fortnum, décédée en 2016 à l'âge de 96 ans.
Bien que les histoires de Winnie-the-Pooh (Winnie l'Ourson: Histoire d'un ours-comme-ça, Gallimard, octobre 2015) et celles de Paddington aient été traduites en français, nous publierons la trilogie A.A. Milne, Winnie the-Pooh et Paddington à l'intention de ceux de nos lecteurs qui peuvent tout ignorer de ces morceaux choisis de littérature britannique, ou de ceux qui ne s'en souviennent plus très bien. Nous commençons ci-dessous avec le texte de Mme Shushkewich sur A.A. Milne. Traduction Jean Leclercq.
[1] A. A. Milne a servi dans l'armée britannique pendant les deux guerres mondiales.
En sa double qualité de citoyen américain naturalisé et de francophile à vie, l'auteur de ces lignes a visionné la rencontre France-USA de football féminin en toute impartialité. En revanche, il serait permis d'imaginer que deux Américains dont il est question dans le plus récent article que nous avons publié, ont dû rire dans leur tombe après la victoire de l'équipe américaine. Exactement cent ans après le jour de la signature du traité de Versailles (le 28/06/1919), le Président Wilson doit avoir savouré le goût de la revanche sur Georges Clemenceau, le Tigre, qui s'opposa à lui tout au long des négociations menant au traité. Wilson dut encourager les joueuses étoilées à qui Météo-France a fait un accueil chaleureuxet qui se sont révélées être de véritables tigresses lâchées dans la touffeur du Parc des Princes (45.90C). De même, l'ex-épouse américaine de Clemenceau, Mary, a dû goûter des instants de revanche sur le pays qu'elle avait adopté, mais dont le président du Conseil l'avait traitée si ignominieusement, ainsi que nous l'avons narré dans l'article publié à l'occasion du centenaire du Traité.
Mais Georges, qui ne s'avouait jamais vaincu, aurait pu interpréter le résultat de 2 à 1 différemment : « Un but pour Mary Clemenceau, un pour Woodrow Wilson, et un autre pour moi. Donc, il y a égalité, foi de Père la Victoire ! ».
un apercu historique, romantique et machiste de Georges Clemenceau
La signature de la paix dans la Galerie des Glaces
Le 28 juin 2019 marque le centième anniversaire de la signature du traité de Versailles qui mit fin à la Première Guerre mondiale et donna naissance à la Société des Nations, préfiguration de l'actuelle Organisation des Nations Unies [1]. Orchestrée par les quatre Grands (Royaume-Uni, France, Italie et États-Unis), la Conférence de Versailles, qui dura du 12 janvier au 28 juin 1919 (soit 167 jours), réunit à Paris bon nombre de dirigeants du monde et notamment le Président des États-Unis, Woodrow Wilson [2], le Premier ministre britannique, Lloyd George, et le Premier ministre italien, V.E. Orlando. Le président du Conseil français, Georges Clemenceau, accueillit la conférence avec d'autant plus d'aisance qu'il parlait l'anglais presque aussi bien que le français, bien que l'historien Paul Mantoux servit comme son interprète [3].
Le Conseil des Quatre à Versailles, de gauche à droite : David Lloyd George, Vittorio Emanuele Orlando, Georges Clemenceau et Woodrow Wilson.
« Copie certifiée » du Traité
En outre, Clemenceau joua un rôle majeur dans la rédaction du traité de paix de Versailles, signé le 28 juin 1919. D'autres personnalités, appelées à la célébrité historique, étaient présentes, notamment Jan Smuts d'Afrique du Sud, Ho Chi Minh, [4]Lawrence d'Arabie[5] et J. M. Keynes, économiste britannique de notoriété mondiale.
Smuts
Minh
Lawrence
Keynes
On a beaucoup écrit sur le rôle de Clemenceau à la Conférence de Versailles [6] et sur les répercussions du Traité. Le présent article se veut une courte biographie du personnage, centrée sur son épouse américaine. Certains pourront qualifier leur mariage de « choc des cultures ». Georges Clemenceau (1841-1929) a été surnommé Le Tigre, en raison de son style oratoire à la fois passionné et incisif. Ardent républicain, Clemenceau, dans sa jeunesse, s'oppose au régime monarchique de Napoléon III jusqu'au point d’entrer en conflit avec les autorités en raison de ses opinions politiques. En 1865 il cherche refuge aux États-Unis.
En 1868, Georges a 26 ans et il est endetté. Pour arrondir son salaire de correspondant du Temps, il offre ses services à une certaine Catherine Aiken, qui dirige une institution pour jeunes filles de la bonne société, à Stamford (Connecticut) [7]. L'école l'engage pour enseigner le français et l'équitation.
Le jeune Français, courtois et distingué, fascine tout autant ses collègues que ses élèves. L'une d'elles se nomme Mary Plummer. Clemenceau, séduit par son élève, ne tarde pas à lui faire une cour tumultueuse, aboutissant à un mariage en moins d'un an. Ils s'unissent à New York, en 1869. Elle avait alors 20 ans, lui 28.
Ils rentrent en France au bout d'un an. L’installation à la maison familiale de l’Aubraie (en Vendée) n’est pas facile pour cette jeune Américaine, certes francophone, mais habituée à plus de liberté d’action que celle dont peut jouir, à l'époque, une jeune femme française. Dans ce milieu étroit, « occupée en bonne ménagère à raccommoder des bas », Mary s’ennuie rapidement, tout en continuant à apprendre le français avec son professeur devenu son mari. .
l’Aubraie en Vendée
Portrait de Mary Clemenceau par Ferdinand Roybet
Clemenceau avait déjà obtenu son diplôme de médecin en 1865. Quand éclate la guerre franco-prussienne de 1870, il y prend part en tant que médecin. De Paris assiégé, il envoie à sa femme des lettres par ballons postaux, dont la très belle missive retrouvée en 1933, seule trace aujourd’hui de la passion qu’il put éprouver pour elle. Ce pli, rédigé en anglais, atteste de la tendresse que Clemenceau éprouve alors pour « sa petite épouse chérie » qui a osé suivre le séducteur qu’il demeure.
Par la suite, il abandonne la médecine et s'engage activement dans la vie politique française, d'abord comme maire du 18ème arrondissement de Paris, puis comme député à la Chambre, et ministre de l’intérieur. À mesure que grandit son influence politique, il se détache un peu plus de son épouse. Il ne donne à Mary qu'une maigre allocation pour les besoins de leur famille, si bien qu'elle est obligée de travailler comme guide et d'écrire dans des revues pour pouvoir joindre les deux bouts.
Le ménage ne dura qu'à peu près sept ans ; trois enfants en naquirent. Le couple se sépara et, par la suite, divorça.
En 1906, (à l'âge de 65 ans), et encore en 1917, Clemenceau devient président du Conseil (Premier Ministre), poste qu'il occupe jusqu'en 1920. Dans cette fonction, son influence fut immense. Clemenceau (qui méprisait secrètement le Président Woodrow Wilson [8]) joua le premier rôle lors de la Conférence de Versailles qui mit fin à la guerre de 1914-1918.
Clemenceau eut de nombreuses maîtresses, mais quand sa femme prit comme amant le précepteur de leurs enfants, il la fit écrouer pour adultère pendant deux semaines à la prison de Saint-Lazare et la renvoya aux États-Unis, en troisième classe. Il divorça, obtenant la garde des enfants et la radiation de la nationalité française de son ex-épouse.
Bien qu'ébranlée psychologiquement par l'échec de son mariage, Mary Plummer Clemenceau n'en revint pas moins en France en 1920 et devint guide pour touristes et publia plusieurs articles dans des revues américaines. Elle ne verra Georges plus jamais.
Mary est retournée en France, d'après certains spécialistes français probablement après la guerre de 1914-1918. Toutefois, M. Philip Devlin, historien amateur du Connecticut, nous a envoyé une coupure du Leader Telegram, publié dans l'Etat de naissance de Mary, le Wisconsin, en date du 28 janvier 1921, dans laquelle il est question de visites que des soldats originaires de sa ville de Duran (Wisconsin) lui auraient rendues, alors qu'elle habitait à Sèvres (en France) pendant la guerre. L'article mentionne que les anciens amis de Mary, originaires de Duran, se souviennent d'elle comme d'une jeune femme à la fois jolie et charmante, exprimant le regret que le chagrin se soit ensuite installé dans sa vie.
Mary mourut seule, dans son appartement parisien, en septembre 1922, brouillée avec ses enfants, à près de 74 ans. Cette meme année, Georges a fait son dernier voyage aux États Unis, oùil a été accueilli somptueusement par le Président Harding, et a rendu visite a Wilson, qu'il a trouvé à coeur brisé à cause de l'échec de la Traité, qui n'avait pas été approuvé par le Congrès des États Unis. Georges mourut en 1929, à 88 ans, dans l'ancien appartement de l'écrivain Robert de Montesquiou.
Jonathan Goldberg & Jean Leclercq
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[1] La signature historique sera évoquée au Musée des beaux‐Arts d’Arras, à travers une vingtaine d’œuvres réunies dans une scénographie qui replongera le public dans l’Histoire et dans les lieux de cet événement, le château de Versailles et sa galerie des Glaces. Documents, photographies et films permettront de comprendre pourquoi Versailles fut choisi pour accueillir cette journée et comment la galerie des Glaces retrouva, le temps d’une journée, son rôle diplomatique. https://bit.ly/2Fl3fNU Les Professeures Jacqueline Sanson et Sylvie Brodziak (images ci-dessous), commissaires de l’exposition, l’ont présentée au président de la République et à son épouse le 29 octobre 2018. https://bit.ly/31OkRvb
[2] Dans un article anonyme publié le 9 septembre 1893 par l'Evening Star de Philadelphie, un Américain qui a rencontré Clemenceau à Montmartre en 1871, donne ce témoignage : "Il est le seul Français que je connaisse qui parle anglais avec une exactitude totale. C'est un anglais américain idiomatique, eloquent, incisif."
[3] Woodrow Wilson fut le premier Président américain à quitter les rivages des États-Unis en cours de mandat. Après neuf jours de mer à bord du S.S. George Washington, Wilson débarqua à Brest (France) et se rendit par voie terrestre à Versailles où il prit la tête de la délégation américaine à la conférence de paix. Il resta en France du 7 janvier au 18 juin, sauf pendant un mois où il s'en retourna aux États-Unis.
[4] Ho Chi Minh qui, par la suite, devait diriger victorieusement les forces du Vietminh d'abord contre le pouvoir colonial français, puis contre la coalition emmenée par les États-Unis, jusqu'à la libération totale de son pays, avait quitté l'Indochine le 5 juin 1911 pour se rendre en France en travaillant comme aide-cuisinier sur le vapeur Amiral de Latouche-Tréville. Le navire arriva à Marseille un mois plus tard, le 5 juillet 1911, et poursuivit sa route vers Le Havre et Dunkerque, avant de revenir à Marseille où Ho Chi Minh posa sa candidature à l'École coloniale française. Sa candidature fut rejetée. Dès 1919, il commença à témoigner de l'intérêt pour la politique alors qu'il vivait en France. Il rejoignit un groupe qui entendait présenter une pétition pour la reconnaissance des droits civiques de la population vietnamienne d'Indochine française aux puissances occidentales aux pourparlers de paix de Versailles.
[5] Lawrence servait d'interprète d'arabe de l'émir Fayçal ibn Husseinl.
[6] Il survécut à une tentative d'assassinat par un anarchiste pendant les pourparlers de paix, mais se rétablit rapidement et conserva une balle dans le dos pour le reste de son existence.
[7] La ville de Stamford, située à environ 70 kilomètres de New York et qui compte actuellement quelque 130.000 habitants, est le lieu de résidence de MarjolijndeJager, notre Linguiste du mois d'octobre 2014.
[8] Célèbre pour ses bons mots, Clemenceau n'en était pas moins une fort méchante langue. Ainsi, raillant le pacifisme messianique du Président Wilson, il dit de lui : « Il se croit un second Jésus-Christ venu sur terre pour convertir les hommes. »
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Sources:
Sylvie Brodziak, Jacqueline Sanson :Georges Clemenceau – Le courage de la République
Editions du Patrimoine (11 octobre 2018)
Sylvie Brodziak et Jacqueline Sanson
Il nous faut mentionner tout particulièrement l'aide généreuse qu'a fournie à la rédaction du présent article Madame Sylvie Brodziak, Professeure des universités en Littérature française et francophone et Histoire des idées à l’Université de Cergy-Pontoise. Madame Brodziak a écrit plusieurs ouvrages sur Clemenceau, de même que l'article Mary Plummer du Dictionnaire Clemenceau, Edition Bouquins 2017, dont elle est la co-éditrice. Certains passages de notre article sont même transcrits de ce Dictionnaire.
L'aide de Mme Brodziak a été d'autant plus appréciée qu'il s'est avéré difficile de recueillir des renseignements sur l'école de Stamford à l'époque de Clemenceau. Cet établissement d'enseignement n'existe plus et sa fondatrice, Catherine Aiken, n'a pas laissé d'héritiers. L'intéressé lui-même ne fait aucune allusion à l'époque où il enseignait le français et l'équitation (ce dernier fait étant contesté) dans son autobiographie : Grandeurs et Misères d'une victoire.(Plon, 1930).
Margaret MacMillan : Paris 1919, Six Months that Changed the World Penguin Random House (2003)
Alan Sharp: Versailles 1919 - A Centennial Perspective Haus Publishing (October 15, 2018)
M. Ron Marcus, de la Stamford Historical Society nous a aussi beaucoup aidés.
Nous avons déjà évoqué le destin de quelques présidents des États-Unis [1], mais nous voulons aujourd'hui vous entretenir d'un personnage qui ne passa que quelques mois à la Maison Blanche et dont l'incapacité à gouverner par suite de la blessure qu'il avait reçue posa une grave problème constitutionnel.
James Abram Garfield (19 novembre 1831 – 19 septembre 1881) fut le 20ème président des États-Unis d'Amérique, fonction qu'il occupa du 4 mars 1881 jusqu'à sa mort, quelques mois plus tard. Dernier président à être né dans une cabane en rondins, il fut aussi le premier à avoir utilisé deux langues (anglais et allemand) au cours de sa campagne électorale. Autre particularité, il était ambidextre et, si cette aptitude à « être à toutes mains » lui servit dans la vie, il utilisait plutôt la main gauche et, à ce titre, fut le premier président gaucher de l'Union américaine.
Avant de voir dans quelles circonstances tragiques s'acheva prématurément le mandat du président Garfield, sans doute convient-il de revenir sur les événements qui précédèrent son élection, et notamment sur la convention républicaine de 1880. Celle-ci fut, comme elle l'est souvent, le théâtre d'un violent affrontement entre deux clans [2] . Les premiers étaient les stalwarts (les durs), partisans de l'ancien président Ulysses S. Grant dont ils soutenaient une troisième candidature et, les seconds, les half breeds (les mous) dont le candidat s'appelait James G. Blaine. La lutte devint si âpre qu'il fallut 36 tours de scrutin pour désigner le vainqueur. Comme c'est ce qui se produit lorsqu'on ne parvient pas à départager deux candidats, on en choisit un troisième en la personne d'un obscur sénateur de l'Ohio, James A. Garfield qui prit, selon l'usage, comme colistier (et futur vice-président), un membre du clan opposé, le stalwart, Chester A. Arthur.