Arc et arche sont deux termes d'architecture assez proches. Ils dérivent respectivement des mots latins arcus et arca que le bas-latin a parfois confondus. Voyons ce que désignent ces deux termes.
En architecture, l'arc est une structure libre, monumentale et enjambant habituellement une voie. Conçu pour honorer le triomphateur et accueillir des troupes victorieuses, on l'associe aux grands moments de l'empire romain (arc de Titus, de Constantin, à Rome, arc de Septime Sévère à Leptis Magna, arc de triomphe d'Orange, etc.). À l'époque moderne, l'arc de triomphe a connu un renouveau qu'illustrent les arcs de Moscou (1834), de Paris (1836), de la Révolution mexicaine (Mexico, 1938) et même de Kim Il-sung (Pyongyang, 1982).
L'arc de Septime Sévère (Rome 203) |
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Marble Arch (Londres, 1827) |
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L'arc de Kim Il-sung |
L'actualité nous incite à dire quelques mots du plus célèbre de ces arcs des temps modernes, celui de Paris. Les déprédations commises le 1er décembre dernier à l'Arc de Triomphe de l'Étoile, par des casseurs-pilleurs (à ne pas confondre avec les gilets jaunes), ont attiré l'attention du monde entier sur ce monument emblématique de Paris. Mais, par qui et pour qui fut-il construit ? Et pourquoi l'avoir placé à cet endroit ? Cette masse de 100.000 tonnes de pierre de Château-Landon, d'une largeur de 40 m et d'une hauteur de 50 m a été érigée à partir du 15 août 1806, en exécution d'une promesse faite par Napoléon à ses soldats au lendemain de la victoire d'Austerlitz (2 décembre
1805) : « Vous ne rentrerez chez vous que sous des arcs de triomphe ». Quant au lieu, il semble que l'Empereur ait d'abord songé au site de la Bastille, mais que son ministre de l'intérieur, Champagny, l'ait finalement convaincu d'opter pour la colline de Chaillot, à l'extrémité de l'avenue des Champs-Elysées. C'est-à-dire à ce rond-point dit de l'Étoile [1] d'où rayonneraient bientôt douze grandes avenues. L'architecte en fut d'abord Jean-François Chalgrin qui s'inspira de l'arc de triomphe de Titus que l'on redécouvrait à l'époque. L'ensemble, orné des grands reliefs de Rude et de Cortot, ne fut achevé qu'en 1836, sous le règne de Louis-Philippe. Actuellement, c'est, avec la Tour Eiffel, le monument le plus visité de Paris. Il accueille annuellement 1,8 million de visiteurs. Les plus courageux gravissent les 284 marches menant à la terrasse où un acrotère (socle) avait été prévu pour installer une statue ou un quadrige. Les autres, prennent l'ascenseur !
Paris n'est pas la seule ville à posséder un arc de triomphe. Moscou a édifié le sien en 1834, Mexico possède un Monument à la Révolution qui date de 1938, et la ville de Pyongyang détient le plus grand de tous, l'arc de Kim Il-sung, inauguré en 1982. Pour ne citer que ceux-là.
Après la guerre de 1914-1918, d'aucuns lancèrent l'idée d'un grand arc de triomphe qui, situé à l'extrémité de l'avenue de la Grande Arnée, aurait été dédié à tous les morts de la Grande guerre. Ainsi aurait-on aligné, en une perspective grandiose, trois arcs de triomphe, ceux du Carrousel, de l'Étoile et de Neuilly. Le projet n'aboutit point car la France, dévastée par la guerre, avait déjà tant à faire pour se reconstruire. Mais, c'est une transition pour parler d'un projet qui s'eat réalisé, mais qui porte un autre nom : l'Arche de la Défense.
Mais, qu'appelle-t-on arche et en quoi se différencie-t-elle de l'arc ? Le mot dérive d'arca, féminin d'arcus. C'est la partie cintrée d'un ouvrage d'art : pont, aqueduc, viaduc, etc. À la différence de l'arc, l'arche est généralement engagée dans le reste de l'édifice. On la retrouve à Londres (Admiralty Arch, Marble Arch), à Saint-Pétersbourg où la célèbre Arche de l'État-major impérial (АРКА ГЛАВНОГО ШТАБА) ferme l'un des coins de la place du Palais d'hiver. Donc, logiquement, on aurait dû parler d'Arc de la Défense. Mais, est-on toujours logique au pays de Descartes ?
Admiralty Arch |
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L'Arche de l'état-major impérial, |
Cependant, le mot arche désigne également un coffre, une malle. Ainsi connaît-on l'Arche de Noé, grande barque en forme de coffre que, selon la Bible, Noé construisit, par ordre de Dieu, pour sauver les créatures du Déluge.
Un musée dans la forme de l'Arche de Noé à
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Mais aussi, l'Arche d'alliance, petit sanctuaire dans lequel Moïse avait placé les tables de la Loi que Dieu lui avait remises sur le mont Sinaï. Elle aurait disparu avec la destruction du premier temple de Jérusalem, lors de l'invasion babylonienne de 587 av. J.-C. Certains ont voulu la localiser dans la cathédrale de Chartres, d'autres sous le monastère d'Abou Gosh (en Israël) ou encore dans la grotte de Jérémie, à Jérusalem. [2]
le Monastère d'Abou Gosh | La grotte de Jérémie, à Jérusalem |
Notons que l'espagnol a emprunté directement le terme au latin, puisque, dans la langue de Cervantès, un coffre se dit arca.
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[1] En 1758, l'architecte Charles-François Ribart de Chamoust imagina, pour le rond-point de l'Étoile, un éléphant habitable de 30m de haut, servant également de château d'eau, et qui aurait été élevé à la gloire du roi Louis XV. Fort heureusement, le projet n'eut pas de suite, mais le concept ressurgit sous l'Empire. Sur ordre de l'Empereur, on entreprit alors de construire une fontaine surmontée d'un éléphant géant sur la place de la Bastille. Le projet de l'architecte Jean-Antoine Alavoine fut abandonné à la chute du régime. Dans les deux cas, Paris l'avait échappé belle !
[2] Israël Finkelstein & Thomas Römer.
Aux origines de la Torah : Nouvelles rencontres, nouvelles perspectives. Paris,
Bayard Presses, 2019.
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