Clio - la muse de l’histoire: August 2022

La Grande-Bretagne, au summum de sa puissance à la tête de l'Empire britannique, a combattu et défait les Boers (appelés par la suite Afrikaners), ces colons néerlandais qui vivaient en Afrique australe, durant des guerres qui ont eu lieu de 1899 à 1902. En 1900, les Britanniques installèrent à Sainte-Hélène des camps de prisonniers où furent envoyés quelque 6000 soldats boers. En 1907, les Britanniques déportèrent 25 chefs zoulous rebelles à Sainte-Hélène (où Napoléon Bonaparte était exil de 1815 jusqu’à sa mort en 1821).

Dans un article publié sur ce blog, votre fidèle blogueur a raconté son voyage sur un bateau qui est parti de la ville de Durban [2], en Afrique du Sud, et est arrivé à l’île de Sainte-Hélène suivant la même trajectoire qu’un autre sud-africain, plus célèbre : Dinuzulu kaCetshwayo, un roi zoulou qui, de 1883 à 1884, mena la lutte armée contre les Britanniques dans cette partie de l'Afrique du Sud qui s'est appellé Natal à l'époque. [3]


	Dinuzulu kaCetshwayo (1868 –1913), roi Zoulou		Jonathan Goldberg en visite sur Sainte-Hélène dans sa jeunesse

Comme Dinuzulu, j'ai passé mon enfance dans la province Natal (aujourd'hui Kwazulu-Natal), sur la côte orientale d'Afrique. Dans les années 1960, je lui ai emboîté le pas à Sainte-Hélène, en m'embarquant à Durban, la même ville portuaire d'où le roi zoulou était parti. Mon bateau doubla le cap de Bonne Espérance pour une traversée de trois semaines à destination de l’Angleterre, après une escale à Sainte-Hélène. Je tiens à préciser que je n'avais donné aux autorités aucun motif de m'exiler à Sainte-Hélène et que mon séjour y fut entièrement volontaire.

Outre le fait que Dinuzulu et Napoléon Bonaparte ont été tous les deux exilés à Sainte-Hélène, il existe un autre lien historique entre la France et le Royaume Zoulou : Napoléon Eugène Louis Jean Joseph Bonaparte (1856-1879), fils unique de l'Empereur Napoléon III et de l'impératrice Eugénie (comtesse de Teba, marquise de Moya, grande d'Espagne de 1 re classe), s’est joint aux renforts britanniques après la bataille d'Isandlwana et est tué en pleine bataille [4]. Le prince impérial étant le petit-fils du roi Louis de Hollande, frère cadet de Napoléon Ier, il était le petit-neveu de Napoléon Ier.

Comme nous le rappelle Le Monde (19 août 2022), « … la grandeur et la renommée du peuple zoulou, qui résonnent au-delà des frontières africaines, reposent originellement sur les exploits de Chaka, impitoyable guerrier et créateur de l’armée qui, au XIX^esiècle, remporte une bataille sanglante contre l’Empire britannique. »

Voici une mise à jour concernant le royaume zoulou du 20 août 2022, date du couronnement d’un nouveau roi, Misulu Zulu, contesté par la première épouse et ses descendants. Selon le reportage du Monde :

« Récemment, c’est à l’intérieur du palais que la bataille a fait rage. Fils de la favorite du roi défunt, Misuzulu Zulu est contesté par la première épouse et ses descendants. Le roi Goodwill Zwelithini avait au total six femmes et au moins vingt-huit enfants. Le week-end dernier, le clan dissident a célébré le couronnement de l’aîné de sa lignée, dans une tentative désespérée de s’emparer du trône.

La première reine, qui a porté son courroux devant les tribunaux, clame être la seule légitime. Et ses filles contestent l’authenticité du testament. …elle a été déboutée. Et dernier rebondissement dans la saga royale, des frères du roi défunt ont annoncé jeudi en conférence de presse un mystérieux troisième prétendant au trône. »

Il s’avère que le parcours du roi zoulou Dinuzulu kaCethwayo et celui de Napoléon Bonaparte se sont croisés, non à la même époque, mais géographiquement, sur l’île Sainte-Hélène, qui a accueilli ces deux aristocrates contre leur gré. Le souvenir de Napoléon Eugène Louis Jean Joseph Bonaparte est lié lui aussi aux Zoulous, mais par le biais d’une confrontation qui a coûté la vie au prince français. Pour ma part, n’étant ni Zoulou ni Français, j’ai néanmoins profité de mon séjour à Sainte-Hélène pour étudier ces évènements historiques dans le contexte de l’Empire britannique de jadis dans lequel je suis né. De surcroît, j’ai eu l’énorme plaisir de rencontrer mon hononyme, la tortue Jonathan, résidant de Sainte-Hélène, qui est aujourd’hui, à l’âge de 190 ans, le reptile (et peut-être l’animal) le plus vieux du monde.

[1] En 1880-1881, et encore en 1898-1902, les Afrikaners ont combattu les Britanniques au cours de ce que l'on a appelé la guerre des Boers. Les Britanniques parquaient leurs prisonniers et les familles de ceux-ci dans de grands camps appelés « camps de concentration ». Bien plus tard, cette expression en vint à désigner, par euphémisme, les camps de la mort dans lesquels des juifs, d'autres minoritaires et des résistants à l'oppression nazie furent déportés pendant la deuxième guerre mondiale.

[2] Durban, la ville de l’océan Indien où je suis né, était déjà un petit port en activité du nom de Port-Natal quand des colons britanniques s'y sont installés en 1824. En 1835, ils l'ont rebaptisé D'Urban en l'honneur de Sir Benjamin d'Urban, alors gouverneur de la colonie du Cap, un nom d'origine française, dérivant d'un lieu situé dans la région du Languedoc : Urban ou Urbin.

[3] Le nom de KwaZulu-Natal est l'adjonction de KwaZulu, qui signifie « pays des Zoulous » ou « lieu du peuple du ciel », et de Natal, nom donné à cette partie du monde par Vasco de Gama qui naviguait au large des côtes durant la période de Noël 1497. (Wikipedia)

[4] Le prince a trouvé la mort en ce jour funeste du 1er juin alors qu’il se trouvait en compagnie de 7 soldats britanniques et d’un guide. Le groupe devait choisir le lieu de halte de l’armée durant sa marche vers Ulundi pour combattre le roi Dinuzulu kaCethwayo. Des débats font toujours rage à savoir qui dirigeait les troupes ce jour-là : l’officier britannique Brenton Jaheel Carey ou le prince impérial, lequel n’avait aucun statut militaire officiel.

Le petit groupe était dans la vallée Jojosi, près d’un kraal (enclos) supposément déserté, mais n’était plus à cheval lorsque la tragédie a frappé. La patrouille a été surprise par un groupe de guerriers zoulous. Deux soldats et le guide ont été tués, les autres ayant pu s’enfuir à cheval. Le prince impérial, incapable de monter sur son cheval nerveux, tente de se hisser sur la selle avec la courroie, mais celle-ci se rompt et le prince tombe par terre. Le cheval piétine son bras droit, son épée sort de son fourreau et le prince se retrouve face à l’ennemi. Ceux qui l’ont tué ont dit de lui : il s’est battu comme un lion. C’est ainsi qu’ont été versées les dernières gouttes du sang de la dynastie des Bonaparte, sur une terre bien éloignée de la France.

P.-S.

À la suite d'un article publié sur ce blog, nous avions ajouté la note suivante :

« On a souvent comparé Martin Luther King à Nelson Mandela, le champion des droits civiques à qui l'on reconnaît le mérite d'avoir fait tomber le régime de ségrégation raciale d’Afrique du Sud connu sous le nom d'apartheid. Ce qui les distingue surtout, c'est que MLK a été assassiné à 39 ans, tandis que Mandela vit toujours à 95 ans. Tous deux étaient des visionnaires, mais, dans les deux cas, leurs proches se sont ensuite sordidement disputé leur héritage. Chez les King, l'un des fils a fait un procès aux autres membres de la fratrie à propos de sa part successorale. Chez les Mandela, lorsqu'on crut à la fin prochaine de l'ancêtre, son petit-fils, sachant que son grand-père voulait être inhumé près des sépultures de trois de ses enfants décédés avant lui, aurait fait transporter leurs restes là où il était chef de tribu. L'idée était de pouvoir ainsi édifier un complexe touristique autour d'un sanctuaire dédié à Mandela. À la demande de 16 membres de la famille, un juge a ordonné le retour des sépultures à leur emplacement initial. »